Paule LEJEUNE, Louise Michel, l'indomptable, Des femmes, 1978 Par Nicole Savey Cette semaine du 21 au 28 mai, correspond aux dates anniversaire de la fin de la LA COMMUNE de PARIS en 1871. "Semaine sanglante" ou le gouvernement constitué après l'abdication de Napoléon III mais réactionnaire et sous la pression des troupes allemandes d'occupation, a réprimé cette tentative de créer une République sociale et égalitaire. Louise Michel (1830-1905) a participé activement à ce mouvement politique et a été condamnée à la déportation pour cet engagement. Paule Lejeune (1925-2014) était professeure d'histoire à l'université de Rouen, elle a dirigé la collection "Femmes dans l'Histoire" des Éditions des femmes : "pour remettre l'Histoire dans le droit fil de la vérité en rendant aux femmes la place à laquelle elles ont droit". Elle était aussi militante féministe, a ouvert le premier centre de Planning Familial d' Aix en Provence et mené des projets d'alphabétisation en Afrique dans les années 1960/1970. Dans ce livre, elle retrace la vie de Louise Michel en rappelant les conditions sociales et politiques des différentes périodes historiques concernées et en évoquant particulièrement les relations de Louise Michel avec des femmes : sa mère, ses amies de jeunesse et de combat, comme sa lutte pour la défense de leurs droits. Paule Lejeune cherche aussi quelle est la spécificité de l'action politique de cette pionnière de l'anarchisme qui a d'abord été républicaine et féministe. Elle fait parler Louise Michel elle-même, en citant ses "Mémoires», La Commune" et ses entretiens dans quelques journaux. Elle utilise aussi des rapports de police et des témoignages de personnalités qui l'ont connue. Ainsi, elle évoque la jeune campagnarde, bâtarde mais élevée dans un château par des grands parents aux idées voltairiennes, puis l'institutrice laïque et républicaine qui fait chanter "La Marseillaise" à ses élèves et s'oppose (déjà) au recteur de l'administration impériale.  Dans les années 1860, venue enseigner à Paris avec deux amies institutrices elles aussi, elle commence son éducation politique dans les milieux de l'opposition républicaine, socialiste modérée mais est plus influencée par les idées et les actions de l'Association Internationale des Travailleurs, d'obédience marxiste. De plus, elle rencontre des féministes comme Maria Deraismes et André Léo et participe à la création du "Droit des femmes "pour : "Prendre sa place sans la mendier". A partir de septembre 1870, elle participe à cette révolution qu'est (surtout de mars à mai 1871), la Commune de Paris. Elle prend les armes pour la défendre : "Je tire bien, dit-elle", avec ses amis Théophile Ferré, Nathalie Lemel, Paule Minck et bien d'autres. Condamnée à la déportation en Nouvelle Calédonie ou elle est restée 7 ans, elle s'émerveille devant la nature tropicale et rencontre les Canaques et les "Arabes", en fait les Kabyles déportés eux aussi, après la révolte de Mokrani en Algérie. Louise Michel, dès ce moment et jusqu'en 1904 lors de son voyage en Algérie, dénonce comme peu de révolutionnaires, le colonialisme. De 1880 à 1905, revenue à Paris et voyageant en France, en Belgique, séjournant à Londres, toujours surveillée par la police, elle devient une conférencière et une militante anarchiste et féministe célèbre. Cependant, elle vit modestement soutenue par son amie Charlotte Vauvelle et reste très proche des grévistes et des pauvres. Elle correspond avec Victor Hugo, Henri Rochefort, Clémenceau mais aussi Séverine, Marguerite Durand, Madeleine Pelletier. Elle écrit, ses souvenirs surtout, des poèmes engagés, du théâtre mais peu d'ouvrages théoriques si ce n'est "Prise de Possession «publié en 1890. Dans ces pages, elle explique que la réflexion sur l'échec de La Commune, ses discussions avec Kropotkine, pionnier de l'anarchisme l'ont amenée à craindre le pouvoir qui corrompt et à ne rien attendre de la Troisième République. Elle s'exclame: "Peut-on encore parler du suffrage universel sans rire ? ... c'est une mauvaise arme; que du reste le pouvoir en tient le manche, ce qui ne laisse guère aux bons électeurs que le choix des moyens pour être tonquinés (trompés) ou endormis. Pensez-vous, citoyens, que les gouvernants vous les laisseraient (les bulletins de vote) si vous pouviez vous en servir pour faire une révolution? ". En effet, Louise Michel croit en la réappropriation de leur pouvoir sur le monde par les hommes et surtout les femmes ("Gare aux femmes, gare à leur colère..."): "soit qu'il y ait une lutte suprême autour de la bastille capitaliste, soit que l'intelligence humaine l'ait prise d'avance", donc par une révolution pacifique ou non. Le jour de son enterrement, 22 janvier 1905, lors du "dimanche rouge «à St Pétersbourg, éclate la première révolution russe. Paule Lejeune fait remarquer la coïncidence : "Louise avait eu raison: le monde était en mouvement". Cet ouvrage est illustré de photos de Louise Michel et de documents sur La commune, la Nouvelle Calédonie, les grèves et manifestations en France, à la fin du 19ème siècle

Paule Minck, Communarde et Féministe, 1839 - 1901. 
Les mouches et les araignées. Le travail des femmes et autres textes. Préface, notes et commentaires d’Alain Dalotel. Mémoire de femmes - Éditions Syros -1981


Par Nicole Savey

Ce livre permet de découvrir Paule Minck "qui est aujourd'hui quasi inconnue " comme l'écrit Alain Dalotel, historien spécialiste des femmes de la Commune de Paris en 1871, qui en a rédigé la biographie et choisi, commenté les textes cités en couverture, comme quelques lettres dont celles à son amie et compagne de lutte Louise Michel. Car comme cette dernière et même avant elle, Paule Minck s’engage dans l'action politique révolutionnaire et le féminisme.
Paulina Mékarska qui se nomme elle-même Paule Mink ou Minck est née à Clermont Ferrand, ses parents étaient de famille aristocratique mais républicains et socialistes. Son père patriote polonais avait dû s'exiler après avoir participé à l'insurrection de Varsovie en 1830.
Elle a reçu une sérieuse éducation, s'est mariée avec un prince polonais exilé, a eu deux filles puis a divorcé. Dans les années 1867, très jeune elle est devenue journaliste et est arrivée à Paris. Elle a participé alors aux réunions de l'Association Internationale des Travailleurs (AIT), y a adhéré. Elle intervenait comme "oratrice", ce qui était rare pour une femme, d'autant qu'elle s'affirmait tout de suite féministe. Devenue une conférencière appréciée, elle a parcouru la France au nom d'AIT pour "faire tomber" le Second Empire.
En 1871, elle a participé à la Commune de Paris, a ouvert  une école de filles à Montmartre, pris part aux débats des clubs de femmes et se revendiquant elle-même "pétroleuse", elle a dû s'exiler en Suisse.
C'est à Genève qu'elle a rencontré Jules Guesde (1845-1922) militant politique qui a introduit le marxisme en France, a fondé le Parti Ouvrier Français (POF) en 1879 et participé à la création de la Section de l'Internationale Ouvrière (SFIO) en 1905, mais s'est opposé à celle du Parti Communiste en 1920.
En 1880, après l'amnistie pour les communards, Paule Minck est revenue à Paris et a repris la lutte révolutionnaire en particulier avec Louise Michel. Toutes deux ont fondé alors le premier journal anarchiste "La révolution sociale". En 1882, Paule Minck a adhéré au POF et recommencé ses tournées de propagande de Lyon à Elbeuf, pour "faire hisser notre cher drapeau rouge" (de la Commune) comme elle l'a écrit à Louise Michel.
Elle a continué aussi sa lutte pour les femmes, souvent de façon indépendante, ne voulant "s'enfermer dans aucun sectarisme". Ainsi, elle s'oppose à Hubertine Auclert sur le droit de vote:" même les droits politiques pour les femmes ne changeraient rien à l'exploitation et aux préjugés par quoi elles sont courbées et brisées". Cependant en 1893, elle accepte de se présenter aux élections municipales au nom de son groupe mixte "Solidarité des Femmes", espérant faire évoluer la condition "des victimes séculaires de l'exploitation et de la tyrannie".
Et elle a répondu au préfet qui considérait sa candidature comme illégale que le vote est un droit et que les femmes ne gouverneront pas plus mal que les hommes, sinon mieux.
Elle continue ses conférences avec Louise Michel pour "l'affranchissement des femmes", soutient la journaliste Marguerite Durand et écrit dans le journal de celle-ci "La Fronde".
Dans les années1898, elle a été "dreyfussarde" et bien qu'encore liée aux marxistes révolutionnaires, elle a fréquenté les anarchistes espérant "l'union entre les socialistes".
Comme Louise Michel et Hubertine Auclert, elle a effectué un voyage en Algérie et dénoncé à la fois le  colonialisme et la condition des femmes "indigènes qui n'existent pas comme des êtres humains... des choses appartenant aux hommes."
Avant 1900, pauvre et avec trois enfants à charge, elle a été obligée de chercher "un travail quelconque", par annonce. Et sans doute, aurait-elle apprécié que ses obsèques ont eu lieu le 1er mai 1901, elle, qui appelait les femmes "à se lever... pour ce jour des revendications ouvrières", dès 1895.
Les textes choisis et commentés par Alain Dalotel sont des extraits de journaux, des rapports de réunions ou des discours de conférences et des lettres. Ce ne sont donc pas des textes théoriques mais des écrits militants, soutenus par une solide logique et une réflexion novatrice. Ils sont écrits dans un style concret voire familier ou pittoresque pour convaincre et inciter à  l'action.

- Les Mouches et les Araignées: extraits d'un journal hebdomadaire publiés en1869 puis en 1880 :
Paule Minck après avoir décrit de manière très suggestive comment l'araignée dévore la mouche, compare les mouches "aux paysans, prolétaires, peuples écrasés, femmes opprimées" et les araignées aux "capitalistes, grands propriétaires, haut clergé, spéculateurs, séducteurs" et s'écrie "Mouches, si vous le vouliez, vous seriez invincibles...les araignées sont peu nombreuses.

- Le Travail des Femmes : extraits de conférences en 1868,1894 et 1897 :
Paule Minck  développe des arguments d'égalité et de justice pour défendre le droit au travail des femmes et convaincre les hommes de le reconnaître .Elle engage les femmes à lutter pour l'obtenir mais reste modérée sur la possibilité pour les femmes d'exercer les mêmes métiers que les hommes.
Parmi les autres textes cités celui sur l'éducation, tiré d'un rapport au Congrès International Féministe à Londres en 1899 est particulièrement intéressant car il préconise une éducation semblable pour les filles et les garçons, l'individualisation de la pédagogie et la pratique du sport. Ce en quoi Paule Minck est novatrice et proche du mouvement libertaire à la fin du 19éme siècle.

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