CULTURE DU VIOL

Culture du viol : Traduction du terme anglais « rape culture ». Et oui, les anglophones ont tendance à donner des noms à tout (« celebration sex », « manspreading »,  « tight gap »…), qu’il ne nous reste plus qu’à traduire comme on peut.
La rape culture définit la représentation la plus largement répandue du viol dans l’imaginaire collectif. Représentation diffusée et cultivée notamment par les médias et le cinéma, ainsi que quelques faits divers sélectionnés.
Idée reçue : Un viol est une agression commise dans un parking sous terrain ou une ruelle sombre, la nuit, par un homme au regard fou sur une femme jeune, belle et habillée sexy.
Voilà en gros l’image qui vient en tête de la plupart des gens en entendant le mot « viol ».  Et c’est faux. Enfin si, un cinglé qui agresse sexuellement une femme sexy dans un parking sous terrain la nuit c’est un viol, en effet. Ce schéma représente moins de 1% des viols. Sauf que comme c’est le plus couramment admis, la plupart d’entre nous a tendance à penser – plus ou moins consciemment – qu’un viol c’est ça et pas autre chose. Et donc à nier les 99% restant.
C’est bien une « culture », puisque cette image est presque universellement partagée, et alimentée, par tout un système de représentation. Par la fiction notamment. C’est surtout la fiction qui a inventé cette histoire de parking sous terrain. Dans Thelma et Louise, par exemple, c’est un sale type alcoolisé sur le parking d’une boite de nuit. Dans Elle, Isabelle Hupert, est violée par un effrayant cambrioleur cagoulé. Les exemples sont légion. Il y a même tout un genre cinématographique, un sous-genre du thriller, que nos amis anglo-saxons qui donnent des noms à tout ont appelé le « rape and revenge ». On ne le traduit pas celui-là, mais ça donnerait « viol et vengeance ». Le concept est clair. Et dans ces films, le viol qui sert d’intro à l’intrigue, est bel et bien montré comme expliqué plus haut. Imaginez une femme au foyer de cinquante ans passant tout  un film à se venger de son mari qui l’a forcée une fois. Il n’y aurait pas de quoi remplir les salles. Ce sera donc Monica Bellucci, belle et fragile, violée par un affreux méchant dans un tunnel pour qu’on ait peur et qu’on soit très contents de voir ce sale type se faire démolir par le héros. En effet dans ces cas-là, Madame se venge rarement elle-même et délègue plutôt à un père/frère/mari bien viril le soin de faire justice lui-même.
Au cinéma, les situations sans ambigüité donnent les intrigues les plus simples, les plus lisibles, les plus compréhensibles par le plus grand nombre, donc celles qui se vendront le mieux. Partant de là, il est logique de simplifier, et de dire que violeur = sale type ; victime = femme attirante, etc. Dans le cas du viol c’est très problématique parce que la plupart d’entre nous n’ont pas d’autres moyens de se le représenter. On n’en parle pas beaucoup, les victimes racontent peu leurs viols, les auteurs encore moins, et on a rarement un psychologue ou un policier sous la main qui a pu être confronté à des situations concrètes. Et en général, si on n’est pas soi-même concerné.e, on ne pense pas à la réalité du viol. Mais on va au cinéma, et le seul moment où l’on entend parler de viol c’est là. Donc automatiquement, l’image mentale qui se crée, c’est celle du cinéma, et on l’a vu, dans l’immense majorité des films c’est la même.  Donc les anglo-saxons lui ont donné un nom, la rape culture, la culture du viol, pour bien mettre en lumière le fait que cette image est universelle et attirer l’attention dessus.
La conséquence la plus dramatique de la culture du viol est que toute agression ne collant pas à ce schéma peut ne pas être considérée comme un viol. Cela va jusqu’aux victimes elles-mêmes. Lors d'échanges sur la culture du viol, certaines femmes découvrent qu’ en fait elles ont été violées. Elles n’étaient pas au courant. Parce qu’à ce moment là, elles n’étaient pas en mini jupe dans un parking sous terrain. Parce que le mec était leur meilleur ami. Parce qu’elles lui avaient roulé une pelle avant. Parce qu’elles ont été pénétrées sans sommation alors qu’elles étaient ivres mortes. Etc., etc. Il en va de même, bien sûr, pour des auteurs de viol, qui n’ont pas conscience d’avoir violé. De même, des femmes qui disent avoir été violées, ne sont pas écoutées car leur histoire ne colle pas au scénario (« Mais non enfin, ce n’est pas un viol ça, tu peux pas dire ça ! »), et ne portent donc pas plainte, parce qu’elle ne sont pas sûre d’en avoir le droit, d’être légitime.
On a donné un nom à la culture du viol pour pouvoir la combattre. Pour réhabiliter la réalité du viol. Et pour ça il faut balancer des chiffres.
67,7% des viols ont lieu au domicile de la victime ou du violeur.
74% des victimes connaissent leur violeur
0,6% des viols ont lieu dans un parking.
Source : http://www.sosfemmes.com/violences/viol_chiffres.htm
La réalité du viol n’a donc rien à voir avec le schéma de la rape culture. Parlez en autour de vous. Observez les réactions. Soyez indulgents, le choc peut être violent. Préparez vous à vous aussi recevoir des chocs. Balancez les chiffres.
Aline Arnaud

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