La Revue de Presse du 16 octobre 2017

"C'est pas un drame, c'est juste une femme"

Chante Anne Sylvestre
Que penser des révélations de harcèlement, agressions sexuelles et viols  imputés à un personnage plus répugnant qu'important dans le monde du cinéma hollywoodien ? Et pourquoi seulement maintenant ?
Les témoignages de femmes victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles s’accumulent depuis les révélations du New York Times. Alors que tout Hollywood semblait au courant, on se demande pourquoi il a fallu tout ce temps pour révéler ce secret de polichinelle.
Jodi Kantor, journaliste d’investigation pour le New York Times et contributrice de CBS News qui a dévoilé l’affaire explique que certaines personnes ont essayé de parler mais sans être entendues. Qu’est-ce qui a changé, aujourd’hui, pour que les victimes osent « dire » et pour qu’on les entende ?
Pour la journaliste, plusieurs éléments sont à prendre en compte. Un premier élément concerne l’évolution de la société. En effet,  si les actrices et les autres femmes victimes de ce prédateur ont osé parler c’est parce que le harcèlement sexuel et les agressions sont de plus en plus dénoncés : « Elles sentaient en effet que la culture avait changé d’une certaine façon, et que l’époque où l’on salissait les femmes lorsqu’elles portaient ce genre d’accusations était révolue, enfin au moins elles l’espéraient ».
Un second élément, peut-être le plus déterminant et qui prouve qu’en matière de violences faites aux femmes il reste encore beaucoup à faire c’est la situation de l’agresseur qui, en « fin de carrière », est moins puissant qu’à une époque. Car, pendant toutes ces années, les actrices avaient peur. Asia Argento n’a pas osé parler de peur d’être anéantie. « Je sais qu’il a anéanti beaucoup de gens avant, explique-t-elle dans le New Yorker. C’est pourquoi cette histoire – dans mon cas, ça date de 20 ans, certaines sont plus anciennes – n’est jamais sortie. »  Slate
La prise de parole d’Isabelle Adjani : “Quand une femme dit non, elle dit non” nous ramène à ce qui se passe, ici, en France.
L’actrice dénonce dans une tribune parue dimanche 15 octobre, dans le JDD le “système de prédation” révélé par le scandale Weinstein aux Etats-Unis, soulignant qu’“en France c’est autrement sournois”.
La parole qui se libère sur les violences de toutes sortes faites aux femmes commence à fissurer les murs qui les tenaient bien enfermées.
Mais, combien d’années faudra t-il encore pour que la  journée internationale des filles ne soit plus qu’un souvenir lointain, une époque où les filles avaient, dans certains pays, à peine le droit de naître ou de vivre ?
Quelques avancées nous font avoir un peu d’espoir, c’est le cas pour ce qui se passe en Inde où, le viol sur mineur au sein du couple vient d’être reconnu.
N’oublions pas qu’en France, une enfant de 11 ans, victime d’une agression sexuelle et de viols est considérée comme consentante par un Procureur de la République. (Voir la newsletter du 2 octobre 2017 / L’image des femmes, la base du problème
Le monde est dirigé par une catégorie très restreinte de personnes, appelée le genre dominant. Homme, blanc, hétérosexuel, urbain, « middle age »,  non handicapé, non-obèse, non-au chômage et on peut continuer. C’est cette catégorie de personnes qui est aux commandesLa langue française est faite par et pour eux. L’Histoire est faite par eux et pour eux. La loi est faite par et pour eux. Les usages, quand ce n’est pas la loi, également. Ainsi que toutes les représentations des autres « catégories » de personnes. Les conséquences de cela sont souvent désastreuses. Question parité :).
Pour rappel, en France, l’inceste n’est officiellement interdit que depuis la loi du 14 mars 2016 sur la protection de l’enfance où le mot a fait son entrée dans le Code pénal.
Harcèlement au travail, harcèlement sexuel au travail, harcèlement de rue… oui, la parole se libère, oui, « on en parle », oui, « on commence à agir ». Le gouvernement vient même d’éditer un guide de bonnes pratiques  pour les Très petites Entreprises (TPE) et les Petites et Moyennes Entreprises (PME).
Oui, nous avons une Secrétaire d’Etat à l’Egalité Femme/Homme, Marlène Schiappa, qui essaye de se faire entendre pour faire évoluer la situation et les conditions des femmes.  Mais, arrêtons-nous juste un instant pour voir  que l’égalité n’est pas encore gagnée. « Egalité femmes – hommes. Mon entreprise s’engage » ah oui ? En effet il reste encore du travail à faire pour que certains médias comme le Figaro et Ouest-France respectent tout simplement le titre du guide.
« L’industrie est réservée, organisée et occupée par les hommes » dit Tonie Marschall, un autre exemple qui nous fait dire que nous allons devoir poursuivre longtemps la lutte pour l’égalité femme-homme et dénoncer le plafond de verre auquel se heurtent les femmes.
Pour lutter contre le harcèlement sexuel au travail, le premier combat, est d'éduquer la société toute entière et que des femmes continuent à avoir le courage de le dénoncer.
Et, en parler, c’est d’abord se libérer, se réconcilier avec soi-même, retrouver de l’estime de soi. C’est une démarche difficile mais, deux jugements viennent nous prouver que la détermination peut aboutir.
Souhaitons que ces deux jugements viennent alimenter la nouvelle jurisprudence sur le harcèlement sexuel au travail. 
Les harceleurs sexuels, les agresseurs sexuels, les violeurs ont souvent, sinon toujours, les mêmes mécanismes de défense lorsqu’ils doivent répondre de leurs agissements ou de leur crime. Ils renvoient la faute à l’enfant, à la jeune fille, à la femme qu’ils ont violentés. Leur premier argument c’est la façon dont « leur victime était vêtue » qui leur a laissé croire à son consentement ou qu’ils ont interprété comme une autorisation à… mais à quoi, à les agresser, à les violer ?
Une exposition et un documentaire  montrent que là encore, la peur et la honte doivent changer de camp, et que la place de chacun doit être clairement identifiée : les femmes harcelées, agressées, violées sont toujours victimes de prédateurs sexuels.
Dans quelle catégorie « ranger » la cérémonie bien particulière d’inauguration d’une station d’épuration à Tours ? Quelle mouche a piqué les élus ? La présence de ces « pompoms girls » n’a heurté aucun d’entre eux ?
Et, pour faire avancer la condition des femmes il est important de ne pas montrer seulement  les violences, les difficultés à être femmes dans un système patriarcal. Il faut aussi parler des femmes qui résistent, des femmes qui luttent, des femmes qui s’engagent, qui réussissent car elles sont aussi des figures qui peuvent aider à se reconstruire et servir de modèles.
Pour cette quinzaine :
Une exploratrice, le premier concours de Miss Monde en fauteuil roulant, des femmes scientifiques d’exception et les Nob’Elles 2017.





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