Quelle date pour le « 8 mars »,
journée internationale des femmes
et pourquoi ?
Par Nicole Savey - février 2017
Au début du 20ème siècle, le féminisme est important en Europe et aux Etats Unis mais déjà il est pluriel et représenté par différentes personnalités. Un premier courant est actif en France, les féministes revendiquant les droits civils et le droit de vote dans le cadre d’une réforme du système politique démocratique au pouvoir, comme Hubertine Auclert ou Marguerite Durand. L’ autre courant moins actif en France, est celui des féministes anarchistes comme Louise Michel et surtout des socialistes - marxistes, comme Madeleine Pelletier par exemple, qui luttent pour une révolution changeant ce système qui doit « logiquement » accorder tous leurs droits aux femmes. Ces dernières sont liées à l’échelle internationale et elles organisent début aôut 1910 un congrès à Copenhague...
C’est à ce congrès que les déléguées du SPD, parti socialiste allemand, Clara Zetkin et Rosa Luxembourg (appartenant au groupe marxiste du parti) font voter l’instauration d’une Journée Internationale des Femmes. Clara Zetkin propose de fixer celle-ci au moment des fêtes de mai, le 1er mai étant depuis 1889 la Journée Internationale de Revendications des Travailleurs.
Lors de ce congrès, les déléguées décident aussi de créer partout dans le monde des groupes de femmes socialistes qui ne feront pas alliance avec les féministes jugées « bourgeoises» et hostiles à la révolution socialiste.
La première célébration de cette journée a lieu en Allemagne et en Autriche, un… 19 mars 1911, date choisie par la direction (masculine) du SPD et voit défiler des milliers de femmes et d’hommes. En France, elle a lieu le 15 mars 1914, organisée par les femmes de la SFIO (Section française de l’Internationale Ouvrière) dirigées par Louise Saumonneau pacifiste et hostile aux « féministes bourgeoises » même à celles qui sont pacifistes et socialistes comme Hélène Brion.
Puis de 1921 à 1950, seuls l’URSS et les partis communistes européens , puis après 1945, l’Europe de l’Est , l’Egypte , l’Algérie, Cuba, célèbrent cette journée et … à la date du 8 mars . La référence choisie est vraisemblablement la grève des tisseuses de St Pétersbourg le 8 mars 1917, une des actions qui déclencha la première révolution russe, prémisse de l a révolution d’octobre.
Dans les années 1950, le journal féminin du Parti Communiste Français « Antoinette »parle d’une grève des ouvrières new yorkaises un 8 mars 1857 mais aucune trace de grève ce jour là d’autant que c’est un dimanche. Peut être est ce une confusion avec la première journée pour l’égalité des droits au travail et le droit de vote des femmes décidée par le parti socialiste américain le 8 mars 1909, après la mort en mai 1908, de plus de 100 ouvrières grévistes dans l’incendie de l’atelier ou leur patron les avaient enfermées .
Jusqu’aux années 70 cette journée n’était pas officiellement célébrée en France mais en 1975 le gouvernement décrète la journée de LA FEMME à la date du 8 mars et la même année, l’ONU déclare une Année Internationale de LA FEMME … toujours à partir du 8 mars.
Les féministes critiquent d’abord LA femme, stéréotype masculin et dénoncent une seule journée dédiée car les problèmes des femmes sont oubliés le reste de l’année, elles font remarquer que le gouvernement de droite reprend une tradition du parti communiste. Et pour l’ONU, elles ironisent sur « l’année qui libère l’homme en attendant l’année du chien, meilleur ami de l’homme »… Par la suite, la France en 1982, et l’ONU en 1977, confirmeront la journée du 8 mars.
La célébration officielle se maintenant, les féministes ont peu à peu utilisé cette journée ou les media les sollicitent, pour faire avancer leurs luttes et rendre visibles leurs combats, en défilant en chantant et dansant dans les rues dès ces années 75 et jusqu’à aujourd’hui. Elles ont manifesté pour le droit à l’avortement et l’égalité au travail, contre le viol, les violences conjugales, les violences de guerre. Internationalistes, elles ont fait connaître et soutenu les luttes des femmes du monde entier, victimes des dictatures et des fondamentalismes sinon des conflits (Algériennes, Afghanes, Congolaises et c…) et lancé le 8 mars 2000 la Marche Internationale des Femmes contre les violences et la pauvreté qui se poursuit depuis , tous les 5 ans.
Et comme le féminisme a toujours voulu du « Pain et des roses », slogan des ouvrières grévistes de Lawrence aux Etats Unis en 1912, devenu l’hymne des féministes américaines, le 8 mars est aussi une fête militante. D’ailleurs, en Italie ce n’est pas la journée mais la fête des femmes : « fiesta delle donne » avec pour emblème des brins de mimosas dont la couleur évoque la lumière et la chaleur à la fin de l’hiver. D’ailleurs, en région parisienne, souvent des bouquets de jonquilles jaunes aussi, décorent les salles de réunion et les manifestations sont toujours colorées par les banderoles des groupes et associations.
Cette année 2017, si un collectif d’associations d’Ile de France a décidé de faire du 8 mars une journée de grève avec la participation des syndicats et des partis de gauche, c’est un peu un retour aux origines non pas de la date mais du sens des luttes des femmes. Celles ci doivent se poursuivre comme ledit le tract unitaire appelant à la manifestation à Paris, prévue aussi dans d’autres villes et d’autres pays pour alerter sur les régressions de la situation et des droits des femmes.
BibliographieCollectif « La Griffonne », 1970-1981, 12 ans de femmes au quotidien, 1981
Liliane Kandel et Françoise Picq, Le mythe des origines, Revue d’en Face No 12, 1982
Rosa Luxembourg, Lettres et tracts de Spartacus , Editions Tête de Feuilles, 1972
Collectif, MLF Textes Premiers, Stock, 2009
Françoise Picq, Libération des femmes, les années mouvement, Seuil , 1993
Catherine Deudon : Un mouvement à soi, Syllepse, 2003
Martine Laroche et Michèle Larrouy, Mouvement de presse, ARCL, 2009
Commentaires
Enregistrer un commentaire